U bent hier
Les militaires à l'assaut des parlements
Ça va flinguer dans l'opposition", prédit déjà Patrick Descy, de la CGSP-Défense. La discussion est hautement symbolique. L'accord du gouvernement Michel prévoit que "le ministre de la Défense examinera la nécessité d'une initiative législative visant à aligner les droits politiques des militaires sur ceux des autres fonctionnaires". L'idée est de permettre aux soldats de se présenter à n'importe quelle élection, alors qu'ils n'ont légalement le droit, aujourd'hui, que d'être candidats aux scrutins locaux (communes et provinces). Les autres fonctionnaires ont, eux, une liberté totale en la matière.
La demande vient de la N-VA. Elle avait déposé une proposition de loi en ce sens en 2012 à la Chambre. "L'éligibilité est un droit fondamental dans une société démocratique", écrivaient les signataires du texte, dont l'actuel ministre de l'Intérieur Jan Jambon et la nouvelle présidente de la commission Défense Karolien Grosemans. "Il n'existe [.] pas de raisons valables d'empêcher les militaires d'accéder à des mandats régionaux, communautaires, fédéraux ou européens. Nous estimons au contraire que la participation de militaires à la vie politique [.] ne peut être qu'un enrichissement pour le fonctionnement du Parlement et une plus-value pour la politique en général."
La proposition avait été largement rejetée par les partis dans l'ancienne majorité socialiste-libérale-centriste. Le MR estimait que le débat ne devait pas se limiter à la seule armée, mais être aussi étendu à la police (dont les membres sont soumis aux mêmes règles). La critique du PS et du CDH portait, elle, davantage sur le fond. Ils faisaient valoir que le principe de stricte neutralité de la Défense et des militaires dans leurs relations avec le monde politique devait prévaloir à tout prix. "Selon eux, des militaires dans les parlements, ça renvoie à l'image d'un Etat sécuritaire. C'est ridicule. Cette peur n'est pas fondée", commente Patrick Descy.
Vision passéiste?
Les syndicats sont largement favorables à une extension des droits politiques des militaires. "Il existe des règles internes pour éviter une politisation de l'armée", souligne Gilles Van Oosthuizen, du SLFP-Défense. "Il est par exemple interdit d'avoir des activités politiques dans les quartiers militaires. Je pense que le débat à venir portera justement sur les garde-fous à instaurer pour ne pas mettre en péril la neutralité de la Défense."
L'interdiction pour un soldat de se présenter à des élections remonte à l'indépendance de la Belgique. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la séparation entre pouvoirs militaire et civil avait été réaffirmée. Depuis, cette vision persiste, même si la loi a été assouplie (au niveau local). "On peut comprendre la logique de l'époque", dit Gilles Van Oosthuizen. "Mais de nos jours, il y a de plus en plus de militaires actifs dans la vie politique et sociale de leur commune. Et certains voudraient mettre leurs compétences au service du pays ou de leur région."
Le colonel à la retraite Luc Gennart est passé de l'autre côté du miroir après les élections communales de 2012 en devenant échevin MR à Namur. Avec deux années de recul, il estime que "le militaire est beaucoup trop éloigné de la réalité politique et de son raisonnement. L'autoriser à se présenter à des élections est une façon de le reconnecter à la vie politique et civile, d'être mieux en phase avec la société." Positif donc, selon lui, "même s'il ne faut pas politiser l'armée. On doit trouver le bon équilibre. Quand on est en service, il est important de rester totalement neutre."
© 2014 La Libre Belgique